Je
viens de terminer l’essai de Pierre-Jean Luizard, chercheur au CNRS, historien
spécialiste du Moyen-Orient, le Piège Daech, dans lequel il cherche
à faire comprendre le fonctionnement de ce «premier État salafiste à se
revendiquer comme tel». Il en souligne la dimension historique,
absolument nécessaire pour le comprendre, et les pièges qu’il tend aux pays
occidentaux.
Si
la dimension historique est bien documentée, il reste une zone passée sous
silence sur laquelle je reviendrai dans un autre article. Zone à haut risque
car les chercheurs publient sous des pseudonymes quand ils ne choisissent pas
le silence…..
Luizard,
en revanche démontre combien nos sociétés occidentales se font avoir et combien
les concepts démocratiques et culturels sont détournés et utilisés contre elles
Le
registre de la provocation a été pensé et peaufiné dans les moindres détails afin
de provoquer des réactions en chaîne :
- * - Attaques de minorités religieuses,
- * - Esclavage des femmes et des enfants,
- * - Massacres et décapitations filmées,
- * - Utilisation d’enfants
- * - Destruction de lieux historiques, musées .....
-
Tout
cela démontre une bonne connaissance de la psychologie.
Une bonne connaissance
du fonctionnement des sociétés occidentales.
Une bonne connaissance des réseaux
médiatiques.
Une bonne connaissance des faiblesses des gouvernements prompts à réagir à l’appel populaire.
Une bonne connaissance des faiblesses des gouvernements prompts à réagir à l’appel populaire.
Toutes
les provocations sont bonnes pour amener LA réaction désirée : Faire partir nos
armées et nous faire ainsi apparaître comme les dignes héritiers du
colonialisme. Ainsi Daech a le beau rôle pour lever les populations locales
contre le colon, contre le Croisé.
- « Il y a dans l’histoire de l’islam, tant chiite que sunnite, une succession de mouvements messianiques, millénaristes, la plupart au Moyen Age. Ils n’ont pas eu de suite. La grande différence avec l’EI, c’est qu’il prospère là où les États s’effondrent. Que ce soit en Libye ou en Irak, nous ne devons pas nous faire d’illusions, ces États ne ressusciteront pas. Ce n’est pas seulement une question de régime politique, car ils ont été le siège privilégié de régimes autoritaires, qui n’ont pas su ouvrir au plus grand nombre des processus de citoyenneté et de vivre ensemble. Ces États n’ont été le théâtre que de jeux entre différentes minorités, en Irak, en Syrie ou au Liban. Les puissances mandataires avaient d’abord affiché un tropisme puissant envers les minorités, puis le système a perduré même après la fin des mandats. Les printemps arabes sont le dernier épisode de ces déliquescences étatiques avec l’émergence de différentes sociétés civiles. La délégitimisation des États en place n’a fait que s’accentuer. A l’exception notable de l’Égypte, où une majorité de la société a fait corps avec son État.»
Aujourd’hui
l’Irak se retrouve avec 3 factions : les Chiites, les Kurdes et l’EI. De
même en Syrie il y a les territoires de Bacher-Al-Hassad, ceux d’Al-Nusra et ceux
de l’EI. Toujours le même schéma depuis des générations : jeux des clans,
des tribus qui se justifient en utilisant un discours opportuniste selon les
époques : aujourd’hui discours nationalistes arabes.
À
la question de cette violence dans le radicalisme sunnite, Pierre-Jean Luizard
dit :
- « Les sunnites ont toujours eu le pouvoir à Bagdad, des dynasties abbasides aux baasistes en passant par les Ottomans. Après avoir monopolisé le pouvoir pendant des siècles, il leur est difficile de devenir de simples citoyens au mieux ou, au pire, ce qui est le cas, d’appartenir à une communauté minoritaire et sans aucun pouvoir. Les sunnites furent d’abord tétanisés par la disparition de Saddam Hussein. Sa chute fut aussi celle de l’État irakien. Plus d’armée, plus d’administration… Donc les Américains se sont adressés aux exclus de l’ancien système, les chiites et les Kurdes. Les sunnites ont pourtant tenté un moment de jouer le jeu. Ils ont participé aux conseils de réveil et ont abandonné leur boycott initial des élections. Ils ont ensuite participé à des mouvements de protestation pacifique, en occultant le côté confessionnel de la mobilisation avec les mots d’ordre des printemps arabes - contre la corruption et l’autoritarisme -, mais la seule réponse du pouvoir chiite a été d’une extrême violence : artillerie lourde et barils de TNT largués par hélicoptères sur la foule. Une majorité d’Arabes sunnites d’Irak a d’abord manifesté sa passivité face à l’EI, avant de rechercher de façon de plus en plus massive sa protection face aux exactions des forces de sécurité irakiennes alors que tout espoir d’intégration dans le système politique en place semblait perdu. Les baasistes, notamment les ex-officiers de l’armée de Saddam parmi eux, avaient déjà fait le pas. Entre islamistes et baasistes, les sources d’inspiration se mélangent. Par exemple, Al-Khansa, la brigade féminine chargée de la police des mœurs de l’EI, fait référence à la poétesse de l’époque antéislamique qui s’était convertie à l’islam, dont les cinq fils sont morts à la bataille d’Al-Qadisiya contre les Perses polythéistes en 636. C’était déjà une référence de Saddam Hussein contre l’Iran. Aujourd’hui, ces milices Al-Khansa sont constituées de jeunes Européennes, dont la plupart ne parlent pas arabe. C’est toute la perversité de l’EI de faire imposer les lois islamiques aux femmes par des Occidentales.»
Que veut l’EI ?
Être
un état de droit. Droit selon leur culture –le Coran- et non la culture occidentale.
Luizard incite à éviter toute diabolisation car au Moyen Orient, la barbarie est ce qui est le mieux
partagée. Le concept œil pour œil dent pour dent est l’essence même de cette
culture et je reviendrai plus tard sur ce point pour l’expliquer. Cette
barbarie, l’EI la médiatise à outrance ; ce qui en fait un état puisqu’il est
capable de communiquer sur les grands réseaux de la planète bénéficiant ainsi
de la Une de tous les journaux, de tous les éditoriaux. Il montre le visage de son
calife. Présente son pouvoir judiciaire avec les tribunaux islamiques. Il prélève
des impôts en bonne et due forme selon la Charia. Charia qui évite un pouvoir
législatif et fait force de loi. C’est ainsi que les Chrétiens, considérés comme
peuple du Livre, doivent se soumettre ou payer de l’impôt alors que les Yézidis, considérés comme hérétiques, sont massacrés ou traités comme esclaves. Ils
recrutent, parce qu’ils connaissent les codes. Ils s’appuient sur –le Coran-. Ils
menacent même de détruire la Mecque devenue une place de mécréants et de
réécrire – le Coran -. Pour installer leur pouvoir, ils s’appuient sur des
relais locaux. Les notables suivent, parce que le clan est respecté. Ils doivent
alors respecter le drapeau de l’EI et la Charia. Les comptes, dont les recettes
viennent essentiellement du pétrole, sont montrés aux populations qui
bénéficient de produits de première nécessité à des prix abordables. Ils ont
comme une image de « Mr Propre » pour une bonne partie de la population.
Le défi de l’occident :
Comment accepter l’inacceptable sans risque de mettre le chaos sur la planète terre.L’Ei se nourrit de notre hostilité.
Mais comment ne pas répondre à l’appel de populations torturées, asservies. ?
Comment ne pas répondre à l’obscurantisme ?
L’EI est l'enfant des printemps arabes. Le rejet du pouvoir religieux et de la tradition contre la Charia.
Oserons-nous une guerre de religion ?
Oserons-nous dénoncer les religions ?
Source interview
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